Ton dieu ne me sauvera pas

" J'ai comme l'impression que chaque journée ressemble aux précédentes. "

... Pense Zion en marchant négligemment le long des rues Vénitiennes. Il n'a pas trouvé de musicien des rues avec qui danser, et la pluie lancinante n'arrange rien à son état. Il a faim. C'est psychologique. Depuis quelques jours qu'il n'a rien avalé, son corps proteste sourdement et son moral descends en flèche.

Il le ressens, et déteste cette faiblesse bien trop humaine.

Lui qui remet du baume au cœur des habitants aurait bien besoin qu'une âme opportuniste se trouve sur son chemin. Pourquoi ? Il se sentirait utile, même par simple intérêt. Il ne s'enfoncerait pas dans le morne et le grisâtre, dans la mélancolie et la négligeance qui est sienne en cet instant.

Lui qui ne se soucie que bien peu de son état physique est atteint d’un mal surréaliste pour la personne qu’il est et qu’il incarne. Lui qui chanterait en n’importe quelle occasion … Qui jouerait de n’importe quel instrument pourvu qu’il puisse observer un musicien à la dérobée … Lui qui, là, maintenant, s’assois sur le parvis d'une église abandonnée et appuie sa tête contre les lourdes portes, les yeux perdus dans le vague.

Des propos décousus et de la poésie, c'est ce qu'ils veulent. Mais comment sa carcasse décharnée pourrait-elle amener un sourire à qui que ce soit ? Zion ne se rends pas compte qu'il est de ceux dont la seule présence donne envie de sourire ... Pour un peu qu'il se donne la peine de découvrir son doux visage.

Yumiko marche lentement dans la rue. Il lui reste encore trois boites d'allumettes à vendre. Elle tremble de froid, pourtant, elle ne se plaint pas

Je ne suis plus seule, à présent. J'ai un Ange à mes cotés

Pense t elle pour se redonner du courage. Dehors, les rues sont désertes. La faim tiraille le ventre vide de Yumiko. Elle avance plus vite et change de rue. Soudain, elle s'arrête. Un air de musique triste se faisait entendre dans ces rues sombres. Qui pouvait bien jouer une telle musique ? Elle se posait la question, mais elle était partiquement certaine de l'avoir entendue quelque part

Quelle belle musique. Si triste, si envoûtante. Qui peut bien être le musicien capable d'une telle prouesse

Pendant qu'elle pense cela, elle ne sent plus le froid mordre son visage. C'était comme si la musique balayait tout sur son passage. Etrangement, elle se sentit heureuse, pour la première fois depuis longtemps.
Elle continua donc à marcher, jusqu'à ce qu'elle entende un commerçant vénitien parler à son voisin

Etes vous au courant ? Il parait que Zion et revenu. Il cherche un musicien pour l'accompagner

Zion. Ce nom interpella Yumiko. Zion, Zion. Mais bien sûr ! Elle le connaissait ! Tout d'un coup, une montée d'espoir envahi le coeur de Yumiko et elle marcha encore plus vite, comme guidée par la musique. Enfin elle allait retrouver quelqu'un qu'elle connaissait, dans ces rues sombres et inconnues.
Ce fut donc cette pensée qui poussa Yumiko à marcher plus vite, malgré la faim qui continuait à la tirailler. Son regard se fit alors décidé. Elle allait revoir Zion et lui demander de ses nouvelles

[ Juste une question qui me turlupine, pourquoi "revenu" ? Zion n'a jamais quitté la ville Raphynou, et personne en ville ne connaît ses sombres pensées, encore moins les commerçants vénitiens. ]


Plic, ploc.

La pluie se fait plus drue à présent, et Zion n'a aucune envie de rencontrer du monde. Cette vile vermine assoiffée de divertissement, qui forgea son caractère mais le condamna à une irrépressible solitude. Tout en finesse ou pas. La rue change les gens, et personne ne peut se prétendre au dessus de ses lois.

Si s’arrêter signifie mourir alors il la vaincra cette mort, lui qui jamais ne souffle, qui jamais ne s’essouffle. Pas devant les autres, pas devant ses bourreaux, mais seuls sauveurs. Il sauve les âmes mais qui sauvera la sienne ? Il s’en fou, il avance. Ou il se tait et respire. Sa rédemption c’est sa hargne, sa rage. Il ne ploie pas, mais vous défie, et s’acharne. Sur lui même et son corps si fort, si frêle.

Il n’entends pas la rumeur de la rue, pourtant il le devrait.

S’il a mal, les autres souffrirons plus que lui.

Il est son propre ouragan … Destructeur, tranchant, mélancolique à ses derniers instants. Zion s’avance et se fracasse, mais ce lambeau de vie ne tombera pas. Il est assis toujours, et ce sont ses pensées qui le guide. Les bruits qui lui font relever la tête sont des éclats de rire, mais les pas qu’il entends ravivent le feu qui le tiraille. Il lève les yeux et une silhouette incandescente se dévoile peu à peu.

Elle cours presque la petite, cette gamine qu’il a déjà vue.

« Salut fillette, que fais-tu ici ? » fais sa voix encore faible mais sûre d’elle et un brin adoucie. Elle réchauffe les coeurs, rallume l'espoir de cette rue endormie. Cette presque jeune fille ne mérite pas la rue, ou plutôt la rue ne la mérite pas. Elle est jeune, douce, candide. Sa vie est comme ce qu’elle vent, éphémère.

Yumiko s'arrête. Elle lève le regard et voit Zion. Aussitôt, elle oublie la faim qui la tiraille. Elle sourie, même si elle est essoufflée d'avoir courue. Elle ne veux pas écouter son ventre qui crit famine ! Elle se montre forte et fière, devant Zion et le salue, en s'inclinant, respectueusement, devant lui :

Bonjour, monseigneur Zion. Excusez mon impolitesse mais....

Elle s'arrête de parler brusquement. Soudainement, elle ressent une étrange sensation. Une sensation douloureuse qui la fait s'agenouiller, devant le regard étonné de Zion, toujours en face d'elle. Yumiko ferme alors les yeux et essaie de lutter. Elle sent l'âme de Raphaël essayer de refaire surface. Elle crit intérieurement, lutte contre cette force spirituelle et ordonne :

Raphaël, s'il te plait, laisse moi. Je t'en supplie

Quelques instants plus tard, Yumiko lève la tête, essoufflée. Elle avait réussit. Elle avait réussit à tenir tête à l'âme de l'Ange qui était en elle et qui habitait son corps. Pourtant, elle savait qu'il lui faudrait encore du temps pour contrôler ce nouveau pouvoir. Pendant ce temps, Zion continue de la regarder d'un air étonné. Yumiko essaye de le rassurer en lui offrant son plus franc sourire et en lui demandant, sur le ton de la plaisanterie :

Cela ne vous intéresse t il pas ? Il me reste encore trois boîtes d'allumettes et je dois absolument les vendre avant de rentrer chez ...

Encore une fois, Yumiko s'arrête. Une question tourmenta son esprit. Rentrer ? Oui, bien sûr, mais où ? Son seul domicile c'est la rue, elle ne connaît pas d'autres lieu. Tout d'un coup, elle sent des larmes mouiller ses yeux. Elle lève le regard vers Zion et lui demanda, comme désespérée :

Monseigneur, pardonnez moi mais pourrais je avoir l'honneur de vous accompagner ? Même si je passe toute mes journées dans ces rues, je ne me suis pas habituée à la solitude

Tout en disant cela, Yumiko s'inclina de nouveau, devant Zion, s'agenouillant presque, devant lui. Elle attendait sa réponse avec impatience, mais la redoutait également, vu la réaction de Raphaël. Pourtant, elle savait parfaitement que, désormais, seul Zion pourrait vaincre la solitude qui la tourmentait. Elle se mit alors à penser :

A présent, je sens que mon destin change. Je ne serais plus toute seule

« - Ton impolitesse ? Je ne suis pas un Roi, je le joue mais ne le suis pas. »

Il est surpris.

Elle fatigue et ses jambes la portent à peine. Zion se sent plus méfiant une fois qu’il a croisé son regard, presque mal à l’aise mais il s’efforce d’agir contre sa nature qui lui hurle de s’éloigner d’elle. Il se met à s’inquiéter pour la jeune fille lorsque les mots lui manquent, ou peut-être est-ce son corps qui ne lui réponds pas ? Passé la stupéfaction, il se lève, sourit et installe son seul bien sur ses épaules. Naturel, inconscience, il sait que malgré le vêtement elle aura plus froid que lui.

Il ne parle pas, mais ses yeux suffisent. Lorsqu’elle croisera son regard elle comprendra. Il sait qu’elle n’est pas aussi forte qu’elle le mime, mais lui montrer qu’il sait et devine tout d’elle blesserait son âme encore si pure. Alors il fait comme si, comme elle. Comme s’il n’avait rien vu.

La seule chose qui trahit ses pensées est son mouvement pour se lever, il domine la jeunette par sa taille mais il n’est pas menaçant. Il est une présence, irréfutable, incontrôlable ; mais sereine face à elle et à sa douleur. Il pense qu’elle a mal, mais il n’a rien pour elle, pour lui, pour personne.

Lorsqu’elle lui propose de lui vendre ses maigres possessions il sourit, gentiment et lointain, sans l’être. Elle sait qu’il ne peut rien pour elle. Alors il ne réponds pas, c’est inutile. Et malgré sa jeunesse elle comprendra la signification de ce pâle sourire. Il ne peut rien contre ses larmes, il en a déjà vu tant d’autres. Il passe alors son bras sur ses épaules et la fait se relever.

« - Sois fière, ne courbe pas l’échine, et ne pleure pas. La rue se régalerait de ta détresse. »

Tout en parlant il essuie ses larmes, opposition avec ses paroles presque sèches et dures pour la petite vendeuse. Il ne mens pas, ce serait la condamner dans un univers qui n’est pas fait pour elle.

« - Mais viens me voir quand tu es triste. Tu sais, la solitude s’apprivoise, mais c’est elle qui te tue à petit feu, alors viens me voir, nous discuterons ensembles. »

Il ne lui en dira pas plus, elle apprendra, par la douleur s’il le faut.
Elle n’auras pas le choix, la chance est si aléatoire.

Quand elle s’incline de nouveau il lui relève le menton d’un doigts et la regarde dans les yeux. Son malaise se fait plus puissant, il se sent en terrain inconnu, mais ne détourne pas le regard. Jamais, c'est un principe même s'il ne le conçois pas.

Yumiko se redressa. Elle fut touchée par les paroles de Zion. Un frêle sourire passa alors, sur ses lèvres, comme si elle voulait se rassurer elle même. Elle savait quelle n'était plus seule, pourtant, quelque chose l'embarassait : devait elle avouer à Zion qu'elle cachait, en elle, l'âme de Raphaël et qu'elle ne peut pas encore le contrôler ?
Pourtant, malgré ses efforts, Yumiko ne peut s'empêcher de se poser la question : que fallait il qu'elle fasse ? Une chose était sûre pourtant, elle ne voulait plus rester seule dans ces rues sombres à attendre que les passants veuillent bien lui acheter des allumettes.
Tout en pensant à cela, Yumiko sentit une rage sourde pénétrer son coeur. Elle ferma alors les yeux, pour essayer de la contrôler mais elle ne pu s'emêcher de crier, malgré elle :

Je ne veux plus de cette vie. Je ne veux qu'une chose, ETRE AIMEE !!

Tout d'un coup, un vent violent se mit à souffler dans la rue. Yumiko ne contrôlait plus son corps. Elle ne contrôlait plus rien du tout et le pire c'est qu'elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Elle n'espérait cependant qu'une seule chose, que tout s'arrête rapidement. Devant elle, les objets continuaient de voler. Elle se tint la tête entre les mains en criant, intérieurement :

Raphaël, que se passe t il ?
Je ressens ta colère et je suis furieux également. Pour ce qui est du vent, je possède le pouvoir de le contrôler. Toi et moi nous ne faisons qu'un, Yumiko
Arrête ça, s'il te plait Raphaël. Je ne désire pas que quelqu'un soit blessé par ma faute

Aussitôt, le vent se calma et arrêta de souffler. La rue redevint calme. Yumiko se redressa alors, lentement, essoufflée. A présent, elle comprenait ce qui lui arrivait. Elle avait les pouvoirs de Raphaël. Le contrôle du vent. Elle regarda alors Zion dans les yeux en lui murmurant, faiblement :

Merci, monseigneur

Puis, elle s'évanouit